Démarche diagnostique des affections neurologiques

Étape 3 : L’examen clinique neurologique détaillé

  • Un examen clinique complet et rigoureux doit toujours précéder l’examen neurologique :
    • Prise de température (présence ou non d’une hyperthermie ou d’une hypothermie)
    • Examen de la fonction cardiaque (n’aide pas au diagnostic différentiel d’une affection cardiaque mais peut avoir une valeur pronostic)
    • Examen de la fonction respiratoire (jetage, polypnée ou tachypnée, epiphora…)
    • Examen de la fonction digestive (présence de diarrhée ou non, constipation, coliques, météorisation…)
  • Statut mental : la vigilance :
    • La première par simple observation et à distance, sans aucune stimulation.
    • La seconde étape est celle du contact avec l’animal, et des stimulations sont réalisées. Lors de cette seconde étape, la sécurité des personnes présentes est fondamentale, l’animal pouvant avoir des réactions modifiées. Les résultats de l’évaluation de la vigilance doivent être mis en relation avec l’évaluation des nerfs crâniens.
    • Les animaux présentant une hypovigilance peuvent présenter des symptômes variés :
      • Une dépression (réponse diminuée aux stimuli de l’environnement)
      • Une apathie, voire une somnolence
      • Une hypoesthésie (sensibilité, notamment douloureuse, diminuée)
      • Une stupeur (réponses absentes lors de stimuli de faible et moyenne intensité, mais réponses conservées lors de stimuli douloureux)
      • Un semi-coma ou un coma (absence de réponses aux stimuli environnementaux et douloureux)
    • A l’inverse, les animaux présentant des symptômes neurologiques « en hyper » peuvent présenter :
      • Une hyperexcitabilité
      • Une hyperesthésie (augmentation de la sensibilité aux stimuli, entrainant une réponse excessive lors de stimulations) pouvant s’exprimer par :
      • Des crises convulsives dans les cas les plus sévères
      • Une sialorrhée
      • Des vocalises importantes, pouvant être répétées
      • Une mydriase
    • Lorsque l’animal est en phase terminale d’évolution de la maladie, des symptômes d’hypovigilance apparaissent fréquemment, souvent suivis d’une phase d’agonie en hyper (crises convulsives, opisthotonos…) menant le plus souvent à la mort de l’animal.
    • La distinction et la classification de l’affection peut donc être difficile si le praticien est appelé tardivement.
  • Statut mental : le comportement :
    • Le cortex cérébral (les hémisphères cérébraux) et le thalamus sont responsables du comportement des animaux.
    • Ainsi, des animaux présentant des lésions de ces segments ont tendance à rester à l’écart de leur troupeau et réagissent peu ou de façon inhabituelle aux stimuli environnementaux.
    • D’autres symptômes peuvent être liés à des lésions de ces zones, comme une amaurose, une inclinaison de la tête, une déambulation, le pousser au mur, ou une démarche en cercle. Du bruxisme et une agressivité peuvent aussi être observés.
    • L’évaluation des lésions du cortex cérébral et du thalamus peut être effectuée en recherchant la réponse aux stimuli tactiles du septum nasal, la réponse au réflexe de clignement à la menace et aux placers proprioceptifs.
    • Une atteinte sévère du cortex peut provoquer une incapacité de l’animal à percevoir les stimuli, une amaurose (absence de réflexe de clignement à la menace malgré des réflexes pupillaires normaux), une absence de réaction lors de la stimulation du septum nasal et des déficits proprioceptifs, ces derniers pouvant cependant être difficiles à évaluer sur des animaux lourds ou en position couchée.
    • L’interprétation de ces comportements doit être menée avec prudence, car ils peuvent être liés à une atteinte de l’encéphale, mais aussi à une crainte (peur, douleur, instinct maternel…) ou dans certaines cas à une cécité rétinienne (pas de lésion visible).
  • Évaluation des nerfs crâniens :

L’évaluation du statut mental se fait généralement en parallèle de l’évaluation des nerfs crâniens. Il existe douze paires de nerfs crâniens, numérotés du plus rostral au plus caudal.

Pour rappel :

Numéro du nerfNom du nerfFonctions
Nerf INerf olfactifSensitif
Nerf IINerf optiqueSensitif
Nerf IIINerf oculo-moteurMoteur
Nerf IVNerf trochléaireMoteur
Nerf VNerf trijumeauMixte
Nerf VINerf abducensMoteur
Nerf VIINerf intermédio-facialMixte
Nerf VIIINerf cochléaireSensitif
Nerf IXNerf glossopharyngienMixte
Nerf XNerf vagueMixte
Nerf XINerf accessoireMoteur
Nerf XIINerf hypoglosseMoteur
Rappel sur les noms et fonctions des 12 nerfs crâniens

Les nerfs I (olfactif) et XI (accessoire) sont difficilement évaluables.

La méthode d’examen des nerfs crâniens et les anomalies possibles en lien avec les zones atteintes sont présentées ci-dessous :

Adapté d’après MATHIS J-L. AIDE AU DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL DES TROUBLES A EXPRESSION NERVEUSE EN HYPER CHEZ LES BOVINS. Thèse d’exercice vétérinaire, Lyon; 2008
  • Démarche et posture :
    • L’évaluation de la démarche et de la posture doit être effectuée lorsque l’observateur est en sécurité par rapport à l’animal, et que celui-ci peut être laissé libre de ses mouvements dans un espace clos. L’examen de la mobilité de l’animal permet de vérifier la capacité de l’animal à se tenir debout et à se déplacer, de mettre en évidence des anomalies de démarche sur un ou plusieurs membres comme des boiteries, des faiblesses, des mouvements de circumduction du membre intérieur lorsque l’animal tourne, des hypermétries ou des ataxies.
    • Il existe trois types d’ataxies :
      • L’ataxie médullaire, aussi appelée ataxie proprioceptive, est souvent secondaire à des lésions des voies proprioceptives ascendantes. Des déficits proprioceptifs et une faiblesse sont objectivés, cette dernière étant due à la stimulation simultanée des voies motrices descendantes. Cette faiblesse permet la différenciation avec l’ataxie cérébelleuse. Cette ataxie est la plus difficile à diagnostiquer, et peut être un diagnostic d’exclusion.
      • L’ataxie cérébelleuse ne présente pas de déficits proprioceptifs ni de faiblesse des membres.
      • L’ataxie vestibulaire peut être unilatérale, et est dans ce cas toujours associée avec un port de tête incliné, une hypermétrie et une spasticité des membres. L’animal atteint tombe fréquemment, tourne en cercle en conservant le même sens de rotation, qui correspond au sens d’inclinaison de la tête. Lorsqu’elle est bilatérale, le port de tête incliné est peu marqué mais un tremblement de la tête est présent.
Adapté d’après MATHIS J-L. AIDE AU DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL DES TROUBLES A EXPRESSION NERVEUSE EN HYPER CHEZ LES BOVINS. Thèse d’exercice vétérinaire, Lyon; 2008
  • Réactions posturales :
    • Les réactions posturales sont complémentaires de l’évaluation de la démarche, même si elles sont difficilement évaluables sur des bovins adultes, et donc rarement utilisées en pratique, sauf sur de jeunes animaux.
    • Elles permettent d’évaluer une asymétrie entre les membres antérieurs et postérieurs, mais aussi latéralement. L’évaluation des réactions posturales est réalisée en plaçant le membre dans une position anormale, qui devrait entrainer une réaction immédiate d’ajustement de la position (membre antérieur croisé vers l’avant, membre postérieur écarté du corps par exemple).
    • Le manipulateur doit évaluer la symétrie de la réponse observée, et sa répétabilité. Toute anomalie doit être notée, les résultats de ces tests étant souvent difficiles à interpréter.
    • La proprioception est quant à elle évaluée via les placers proprioceptifs, ces derniers pouvant être difficiles à réaliser sur des bovins adultes, d’autant plus s’ils sont incapables de se lever ou présentant un comportement pouvant mettre en danger le manipulateur.
  • Réflexes médullaires :
    • L’évaluation des réflexes médullaires doit être réalisée sur un animal en décubitus latéral. Bien que difficile à réaliser sur des bovins adultes, ces réflexes doivent être effectués sur tous les animaux coopératifs ou incapables de se relever, dès lors que le manipulateur peut agir en sécurité.
    • Les réflexes de flexion et d’extension sont observés sur les membres antérieurs et postérieurs. Les membres droits sont observés lorsque l’animal est en décubitus latéral gauche, et inversement pour les membres gauches.
    • Nerf radial :
      • En cas d’atteinte du nerf radial (racines médullaires en C7-T2), responsable de l’innervation notamment du triceps et des muscles extenseurs des doigts, les bovins atteints auront un port du poids anormal sur les antérieurs, et marcheront sur la face dorsale du membre, pouvant entrainer des lésions des tissus mous.
    • Nerf fémoral :
      • Lors d’atteinte du nerf fémoral (racines médullaires en L4-L6), responsable de l’innervation des muscles fléchisseurs de la hanche et des muscles extenseurs du jarret, le port du poids sur les postérieurs n’est plus correctement assuré et l’animal traine son membre derrière lui, sans pouvoir y prendre appui. Le réflexe patellaire est un réflexe tendineux monosynaptique.
      • Son évaluation permet d’observer l’extension du jarret lorsque le membre n’est pas contracté par application d’une force au niveau du tendon.
    • Réflexes de flexion :
      • Les réflexes de flexion permettent l’évaluation des nerfs ulnaire, médian et axillaire au niveau des membres antérieurs, et des nerfs sciatique et fémoral au niveau des membres postérieurs.
      • Un pincement, souvent à l’aide d’un clamp, au niveau du doigt latéral ou de la peau au-dessus du sabot doit entrainer un réflexe de flexion du membre. Cette évaluation est difficile à interpréter sur des bovins adultes, et sur les animaux en décubitus prolongé.
    • Nerfs moteurs périphériques :
      • Lors d’une atteinte des nerfs moteurs périphériques, les muscles présentent une atonie. Lorsque l’affection évolue depuis plus d’une semaine, une atrophie musculaire d’origine neurogénique peut être visible, entrainant une asymétrie des membres observable lorsque l’animal est debout.
    • Réflexe cutané du tronc :
      • Le réflexe cutané du tronc dépend des nerfs thoraciques latéraux, permettant la contraction de la peau lors de la stimulation par un clamp par exemple, et des racines nerveuses des nerfs émergeant de la moelle épinière.
      • Si le réflexe est présent bilatéralement au niveau des ailes de l’ilium, on peut estimer qu’il est présent sur toute la longueur du tronc.
      • Si au contraire il est absent, il faudra stimuler la peau à intervalles réguliers, pour essayer d’objectiver la zone d’atteinte, où le réflexe disparait.
    • Réflexe périnéal :
      • Le réflexe périnéal, dépendant du nerf honteux dont les racines médullaires sont en S1-S3 et des nerfs caudaux, est observable lors de stimulation de la zone périnéale.
      • La queue de l’animal doit rester libre, car le bovin contracte l’anus lorsque sa queue est soulevée, l’évaluation du réflexe serait donc faussée.
  • Nociception :
    • L’évaluation de la perception douloureuse doit être la dernière étape de l’examen neurologique, même si elle peut souvent être objectivée au cours des différentes étapes précédentes.
    • L’évaluation de la douleur est le plus souvent réalisée en comparant les réponses de l’animal à celles observées ou évaluées précédemment, la douleur étant alors définie comme en augmentation, stable ou en diminution par rapport aux examens ou aux jours précédents.