Anoxie du veau nouveau-né

= Asphyxie péri-partum, encéphalopathie hypoxique ischémique (1)


Lors de la mise-bas, l’oxygénation initialement placentaire du veau devient pulmonaire. Une anoxie naturelle est toujours présente (relais via l’augmentation de la pCO2). Nous traiterons ici de l’anoxie pathologique (2).


Etiologie :

  • Une rupture du cordon ombilical (mise-bas trop longue, dystocie…) peut entraîner un défaut d’apport en dioxygène à l’origine d’une acidose. Un veau qui « boit la tasse » in utero peut causer des échanges gazeux insuffisants au niveau des poumons du fait du liquide amniotique inhalé (2).
  • Lorsque le veau est prématuré, avec un défaut de mise en place du surfactant ou une pCO2 insuffisante ou en cas de « parturition asynchrone » (= « naissance décalée par rapport à la préparation de la mise-bas. » (2)) ou si césarienne trop précoce (2).
  • En cas de placentite, insuffisance placentaire (jumeaux, gestation longue…) (1).

Epidémiologie : Veaux nouveau-nés, notamment veaux prématurés, parts languisants ou rupture précoce du cordon lorsque la tête du veau est encore plongée dans le liquide amniotique, à l’origine d’une acidose (2). Possible aussi chez veaux né sans problème apparent (1).


Durée d’incubation : Apparition des signes cliniques dès la naissance, ou 6 à 24h post-partum (1).


Signes cliniques évocateurs :

  • Dépression majeure : veau mou, léthargique, aréactif, en décubitus, sans réflexes rétiniens, palpébraux, de déglutition ni de succion.
  • Des tremblements de la tête et un nystagmus sont observés (2). Des phases d’hyperactivité avec excitation et convulsions sont possibles (1).

Autres signes cliniques:

  • Dyspnée avec augmentation de la fréquence respiratoire (45-60 mpm)
  • Bradycardie (< 80 bpm).
  • En phase terminale, on observe une apnée secondaire, des hoquets à l’inspiration et des mouvements incoordonnés et violents. Des pétéchies sont observables sur les muqueuses oculaires (2). Des signes de défaillance organiques peuvent apparaître, avec une insuffisance rénale et des troubles gastro-intestinaux (1).

Diagnostic différentiel :

  • Autres causes d’abattement marqué chez le veau nouveau-né (septicémie, gastro-entérite néonatale) (1)

Diagnostic expérimental : Autopsie : pétéchies et ecchymoses sur muqueuses oculaires, méninges, myocarde et encéphale. Si le veau a « bu la tasse », du liquide est retrouvé dans les poumons. Les poumons présentent une atélectasie marquée (distension pulmonaire incomplète) (2).


Pronostic : Si le veau met plus de 15 min à se mettre en décubitus sternal ou s’il en est incapable, le pronostic est mauvais.


 Traitement : (2)

  • Permettre au veau de respirer correctement : suspendre le veau par les postérieurs, pour une durée MAXIMUM de 90 secondes ! (Élimination fluides), intubation trachéale en cas de besoin (la pression exercée doit être inférieure à 40 cm H2O)
  • Si la mise-bas est anticipée, une injection de glucocorticoïdes permet d’accélérer la maturation pulmonaire (dexaméthasone : 1mg/25kg), tout comme le clenbutérol (tocolytique) permet d’améliorer l’adaptation métabolique du nouveau-né.
  • De l’adrénaline diluée permet de lutter contre la bradycardie. Le doxapram est controversé. L’utilisation d’atipamézole est possible. En cas d’apnée, un point d’acupuncture sur le museau est à utiliser, et l’usage d’eau froide est à recommander (en verser un peu dans l’oreille stimule le veau et le force à s’ébrouer)
  • Correction des déséquilibres liés à l’anoxie et l’acidose : perfusion de bicarbonates pour lutter contre l’acidose (attention aux excès !), en cas d’hypoglycémie, ajouter du glucose. L’apport de colostrum doit être important et précoce.

Prévention : suivi des gestations à risque et surveillance rapprochée des veaux nouveaux-nés (1).


Sources :

  1. Francoz D, Nichols S. Guide pratique des maladies du veau. Med’com. 2017. 404 p.
  2. Arcangioli M-A, Le Grand D, Giraud N. L’anoxie du veau nouveau-né. Bull GTV Hors-sér Neuropathol Rumin 2003. :89‑92.

Abiotrophie du cervelet

= Atrophie corticale cérébelleuse


Etiologie : Maladie héréditaire à mode autosomique récessif (1) à l’origine d’une dégénérescence prématurée des neurones du cervelet. Suspectée chez les races Holstein, Charolais, Shorthorn, Hereford, Angus et Limousine (2). Une autre origine est la contamination in utero par le virus de la BVD entre le 100ème et le 200ème jour de gestation (1).


Epidémiologie : Peut toucher tous les veaux. L’étiologie génétique se retrouve dans les races Shorthorn, Angus ou Hereford notamment (suspicion seulement dans les autres races citées précédemment) (1).


Durée d’incubation : Apparition des signes nerveux entre 3 et 6 mois d’âge (2)


Signes cliniques évocateurs : (2)

  • Tremblements dont l’intensité est augmentée notamment au niveau de la tête lorsque l’animal cherche à réaliser un mouvement volontaire (tétée par exemple).
  • Ataxie cérébelleuse, avec hypermétrie et augmentation du polygone de sustentation.
  • Un nystagmus pathologique peut être présent, ainsi qu’une inclinaison de la tête. Un opisthotonos est présent dans les cas sévères.

Autres signes cliniques: Les nerfs crâniens et la vision fonctionnent normalement, mais le réflexe de clignement à la menace peut être absent (2). Le veau est alerte et réalise des mouvements volontaires (1).


Diagnostic différentiel :


Diagnostic expérimental : Non développé chez les bovins.


Pronostic : sombre


 Traitement : aucun.


Sources :

  1. Jerusalem L. Conduite à tenir face à une anomalie congénitale à symptômes nerveux chez un ruminant nouveau-né. ENVA; 2013.
  2. Francoz D, Couture Y. Manuel de médecine des bovins. Med’com. 2014. 704 p.

Abcès hypophysaire

= Abcès pituitaire


Étiologie : Le plus souvent causé par Trueperella pyogenes. La cause supposée est que « le lit capillaire complexe entourant l’hypophyse […] est impliqué dans le développement de la maladie » (1). Peut se développer de façon isolée, ou être secondaire à une méningite (2).


Épidémiologie : Affection sporadique. Semble toucher plus les veaux entre 2 et 8 mois (3) et les mâles entre 2 et 5 ans du fait de leur tendance à se battre (traumatismes crâniens plus fréquents) (1). Les mammites, la pose de boucle nasale ou les infections peuvent être à l’origine de la formation de l’abcès (voie hématogène) (4).


Durée d’incubation : Très variable. Évolution chronique.


Signes cliniques évocateurs :

  • Abattement (1)
  • Dysphagie avec mâchoire pendante (1)
  • Absence de réflexe pupillaire et une amaurose (1). Pousser-au-mur, regard dirigé vers le haut (3). Une ptose de la paupière peut être observée (2).
  • Une ataxie peut être présente (2)

Autres signes cliniques: Bradycardie fréquente (1). Exophtalmie possible si l’abcès bloque le retour veineux (3). Atteinte possible des nerfs crâniens (3).


Diagnostic différentiel : (4)


Diagnostic expérimental : Analyse du LCR (augmentation de la concentration en protéines, pléiocytose en lien avec une inflammation chronique) et autopsie (observation de l’abcès) (1)


Pronostic : Sombre


 Traitement : Antibiothérapie longue durée et traitement de soutien. Peu de réussite (1).


Sources :

  1. Francoz D, Couture Y. Manuel de médecine des bovins. Med’com. 2014. 704 p.
  2. Millemann Y, Fontaine J-J, Arcangioli M-A, Douart A, Maillard R. Les principales affections bactériennes du système nerveux central des bovins. Bull GTV Hors-sér Neuropathol Rumin 2003. 2003;41‑6.
  3. Peek SF, Divers TJ. REBHUN’S DISEASES OF DAIRY CATTLE, THIRD EDITION. Elsevier; 2018. 849 p.
  4. Blowey RW, Weaver AD. Guide pratique de médecine bovine. MED’COM. 2006. 229 p.

Abcès de la colonne vertébrale et ostéomyélite vertébrale

Etiologie : Souvent causés par Trueperella pyogenes ou Fusobacterium necroforum. Souvent secondaires à une infection d’un autre organe (pneumonie, arthrite septique, omphalite…) par propagation hématogène, même si le site primaire d’infection peut ne jamais être identifié. Une infection ascendante après caudectomie est aussi possible (1).


Épidémiologie : Touche principalement les animaux de moins de 2 ans (1).


Signes cliniques : Signes d’une atteinte focale de la moelle épinière, les déficits évoluant selon la localisation de la lésion.

  • Une parésie (tétraparésie ou parésie des postérieurs seulement selon la localisation) avec ataxie pouvant évoluer en paralysie est présente.
  • Une hyperthermie est observée
  • Les animaux présentent souvent une ligne du dos raide et une réticence à baisser la tête et à se déplacer.
  • Des signes cliniques liés au site d’atteinte primaire (poumons, articulations, ombilic…) sont parfois présents.
  • Une complication possible est l’extension de l’infection au canal de la moelle épinière, et le développement d’une méningite. Dans ce cas, l’animal présentera alors un abattement marqué avec une hyperthermie importante, des convulsions et un opisthotonos, ainsi que d’autres signes cliniques (cf fiche Méningite).
  • La ou les vertèbres atteintes peuvent présenter une fracture pathologique suite à l’atteinte, entraînant l’apparition de signes aigus et sévères (cf fiche Fractures de la colonne vertébrale) (1).

Diagnostic différentiel :

  • Fracture vertébrale pathologique secondaire à une ostéopénie nutritionnelle (déficit en vitamine D, en calcium ou en cuivre)

Diagnostic expérimental :

  • Radiographie de la colonne vertébrale (mise en évidence d’ostéolyse, de fractures ou d’ostéoprolifération). Difficile chez les bovins adultes.
  • Un scanner est possible, mais très couteux et réservé aux animaux de très grande valeur.
  • Des analyses sanguines permettent la mise en évidence d’une inflammation chronique (augmentation du fibrinogène et des globulines).
  • Si l’infection est au niveau de l’espace sous-arachnoïdien, le LCR présente une neutrophilie avec une augmentation des protéines (1)

Pronostic : Sombre, car souvent fatal, et traitement fonctionnant rarement lorsque des signes cliniques neurologiques sont apparus.


 Traitement :

  • Si l’affection est reconnue précocement, une antibiothérapie d’au moins 4 semaines peut être envisagée. Idéalement, le choix de l’antibiotique doit se faire après analyse et culture du LCR ou du sang. Empiriquement, la pénicilline ou le florfénicol sont employés.
  • Des AINS peuvent aider à gérer la douleur.
  • Drainer chirurgicalement l’abcès et cureter l’os nécrosé est possible, mais l’importante musculature et les difficultés d’accès à la colonne chez les bovins rendent ces opérations difficiles.

Sources :

  1. Francoz D, Couture Y. Manuel de médecine des bovins. Med’com. 2014. 704 p.

Abcès cérébraux

Etiologie : (1)

  • Extension d’un processus local suppuré (sinusite chronique…)
  • Dissémination hématogène (septicémie) notamment de Trueperella pyogenes (1), Actinomyces pyogenes et des streptocoques (2)

Épidémiologie : Assez rare. Touche surtout les animaux de moins d’un an (2).


Durée d’incubation : Très variable. Evolution chronique.


Signes cliniques évocateurs : Souvent peu spécifiques.

  • Signes neurologiques asymétriques (selon la zone du cortex atteinte) : amaurose œil controlatéral et mydriase et inclinaison de la tête ipsilatérales.
  • Abattement, pousser-au-mur, marche en cercle.
  • Lorsque l’abcès est proche du tronc cérébral, atteinte des noyaux de certains nerfs crâniens (1).
  • L’abcès peut provoquer une augmentation de la pression intracrânienne et un œdème cérébral (2).
  • La mort survient en 1 à 8 jours (2).
  • Signes cliniques différents selon si lésion unique ou multiples, selon la taille et la localisation.

Diagnostic différentiel : (2)


Diagnostic expérimental :

  • Analyse du LCR : il est normal si l’abcès est intradural (1). Une augmentation des protéines totales et une leucocytose marquée peuvent être observées (2).
  • Une IRM peut être utilisée pour localiser la lésion, mais ce n’est pas réalisé en pratique.
  • A l’autopsie, le ou les abcès sont observables (1). Une leucocytose avec neutrophilie peut être observée à la numération formule sanguine (2).

Pronostic : Réservé à sombre, létalité proche de 100% (2).


 Traitement : Antibiothérapie longue durée et traitements de soutien (1). Quasiment toujours un échec (impossibilité de vidanger l’abcès) (2).


Sources :

  1. Francoz D, Couture Y. Manuel de médecine des bovins. Med’com. 2014. 704 p.
  2. Millemann Y, Fontaine J-J, Arcangioli M-A, Douart A, Maillard R. Les principales affections bactériennes du système nerveux central des bovins. Bull GTV Hors-sér Neuropathol Rumin 2003. 2003;41‑6.

Intoxication par le sel

= Privation d’eau ou empoisonnement par le sel


  • Etiologie : Accumulation d’ions sodium dans le système nerveux central suite à une privation en eau de plusieurs jours, perturbant le transport de ces ions et la glycolyse anaérobie. Cette accumulation stimule les récepteurs de la soif, et la soudaine prise de boisson (si eau de nouveau disponible à volonté) entraîne une arrivée massive de liquide vers le SNC, puis un œdème se forme, à l’origine d’une augmentation de la pression intracrânienne et l’apparition de signes cliniques nerveux (1).

  • Epidémiologie : Fréquent chez les veaux, rare chez les adultes (2) Touche souvent plusieurs individus à la fois. Eau de boisson à volonté après plusieurs jours de rationnement en eau. Souvent liée à des défaut de gestion d’élevage (pâture sans point d’eau, eau salée seule source d’abreuvement disponible, si ration avec ajout de protéines contenant un excès de sel, veaux nourris avec des laits en poudre mal préparés ou des électrolytes trop concentrés par voie orale) (1). Observé aussi suite à des catastrophes naturelles ayant privé d’eau les exploitations ou lors de gelées ayant bloqué l’arrivée d’eau des stabulations et lorsque du sel de déneigement a été utilisé pour faire fondre la glace, les vaches buvant la glace fondue mélangée au sel (2). Possible aussi en cas d’ingestion de sels de déneigement (3).

  • Doses toxiques : Si aucune prise de boisson n’est possible, des rations avec une concentration en sels supérieure à 1% peuvent entraîner des signes cliniques (1). Une DL50 de 2200 mg/kg de PV à été définie pour les bovins adultes (3).

  • Signes cliniques : 3 phases : digestive, signes généraux et ensuite, si l’animal est privé d’accès à l’eau ou si la quantité de sel ingérée est importante, les signes nerveux.
    • Digestifs : polydipsie avec vomissements, diarrhée et coliques (3). Une soif marquée et des diarrhées sont possibles notamment chez les veaux, tout comme des fasciculations des muscles de la tête sont décrites (2).
    • Signes généraux : (dus à la déshydratation intracellulaire et l’hypertension, et à un accès libre à l’eau après la privation) : polyurie, hypernatrémie et œdème pulmonaire possible (3).
    • Nerveux : (œdème cérébral) Abattement, ataxie et faiblesse généralisée. Une anorexie et un nystagmus sont décrits chez les bovins adultes (2). Evolution vers un décubitus, des convulsions avec opisthotonos (2), coma (3) et décès (1). Une amaurose est possible (2,3).

  • Diagnostic différentiel : (2)
    • Chez les veaux : Déséquilibre acido-basique associé à une infection néonatale (entérite, méningite, gastro-entérite paralysante)

  • Diagnostic expérimental :
    • Contexte épidémiologique (apports en eaux, rations riches en sel…)
    • Mesure plasmatique (souvent supérieure à 160 mEq/L (2)) et dans le LCR du sodium. Les signes nerveux semblent proportionnels aux augmentation des concentrations en sodium (2).
    • A l’autopsie, un œdème cérébral et une malacie des régions corticales sont observées (1). Une concentration post-mortem > 2000 ppm en sodium dans les tissus de l’encéphale est indicatrice d’un empoisonnement par le sel. Un œdème musculaire, pulmonaire et un hydropéricarde sont possibles (3).

  • Pronostic : réservé.

  • Traitement : Difficile. 3 objectifs : réduire l’œdème et ses conséquences, limiter l’ingestion d’eau pouvant aggraver les signes cliniques et diminuer l’osmolarité du SNC (1). La baisse de la natrémie doit être lente et progressive (2).
    • Veaux nouveaux-nés : NaCl hypertonique en IV + lait donné régulièrement (10% PV) + aucun accès à l’eau. Idéalement, une mesure du sodium plasmatique est réalisée avant le début du traitement, afin que la teneur en Na du soluté soit égale ou supérieure à celle du plasma. Les mesures du sodium plasmatique doivent être répétées 2 à 4 fois par jour et les concentrations et débits des solutés doivent être ajustés selon les résultats. Dans le cas idéal, la concentration plasmatique en sodium doit revenir à la normale en 2 à 4 jours sans que des convulsions n’apparaissent. Ce traitement ne peut être réalisé dans de bonnes conditions que si le veau est hospitalisé. En cas d’apparition de signes neurologiques pendant le traitement (convulsions notamment), utilisation de mannitol pour contrôler l’œdème cérébral et du diazépam pour les convulsions. Des corticoïdes peuvent aider au contrôle de l’œdème également (1). La correction de la déshydratation doit aussi être prise en compte et corrigée mais l’apport de fluide isotonique peut aggraver l’œdème cérébral, le traitement d’animaux sévèrement déshydratés est donc complexe (2).
    • Adultes : Ingestion de toutes petites quantités d’eau à intervalles réguliers. L’usage de diurétique à faible dose (furosémide à 0.5 mg/kg par exemple) doit être raisonné et utilisé seulement si l’état d’hydratation de l’animal le permet et si l’hypernatrémie est due à une intoxication aiguë au sel (2).

  • Prévention : Maintenir un apport constant et ad libitum en eau. Contrôler les teneurs en sels des rations et laisser un accès à l’eau même pour les veaux.

Sources

  1. Francoz D, Couture Y. Manuel de médecine des bovins. Med’com. 2014. 704 p.
  2. Peek SF, Divers TJ. REBHUN’S DISEASES OF DAIRY CATTLE, THIRD EDITION. Elsevier; 2018. 849 p.
  3. Berny P, Queffelet S. Guide pratique de toxicologie clinique vétérinaire. Med’com; 2015. 352 p.

Intoxication par le plomb

= Saturnisme


Epidémiologie : Causes accidentelles ou malveillance. Affection assez fréquente, touche souvent un même lot ou des animaux du même âge. Les vaches ont une sélectivité faible pour leurs aliments, et peuvent lécher ou ingérer des corps étrangers contenant du plomb. (1) Certaines peintures, des huiles de moteur, des plombs de chasse ou des batteries contiennent du plomb, peuvent être en contact avec les animaux. Le niveau d’absorption du plomb varie selon l’âge de l’animal (1-3% d’absorption chez l’adulte, jusqu’à 50% chez les veaux de lait, selon la forme sous laquelle le plomb est ingérée (1)), les veaux de lait sont donc plus touchés que les adultes ou les veaux sevrés (une dose de 2 mg/kg/j peut entraîner des cas de morts subites chez des veaux (2)). De plus, les carences en calcium, fer et zinc favorisent l’absorption du plomb et donc la survenue d’une intoxication (2).


Toxicité variable du plomb selon sa forme : acétate > chlorure > sulfate > oxyde (3).


Doses toxiques : Variables, selon dose et exposition aiguë ou chronique. Une dose unique de 1 g/kg de poids vif peut entrainer des signes de mortalité aiguë, mais une exposition quotidienne à 2 ou 3 mg/kg de poids vif peut ne pas entraîner de signes cliniques avant un mois. L’apparition des signes cliniques dépend de l’âge, de l’alimentation, du pH ruminal, des niveaux de plomb précédemment présents dans l’alimentation ou l’environnement de l’animal. (1) Dans les cas d’intoxications aiguës, une dose toxique de 400 à 600 mg/kg de PV pour les veaux et de 600 à 800 mg/kg pour les bovins adultes est retenue (4).


En résumé, la période d’incubation est raccourcie, l’intensité des signes cliniques et la mortalité sont augmentées avec l’augmentation des doses de plomb.


Durée d’incubation : Le délai d’apparition est souvent inconnu. Les données connues donnent une durée d’apparition des signes cliniques entre 12h et 15 jours, variant selon la dose et les circonstances d’intoxications. (2)


Signes cliniques évocateurs : signes nerveux et digestifs si l’intoxication est modérée à sévère. Clinique très polymorphe. Association de signes nerveux et digestifs.

  • Signes nerveux précoces (niveaux peu élevés de plomb) : ptyalisme, bruxisme, tremblements musculaires, hyperesthésie, incapacité à attraper la nourriture (dysphagie)
  • Signes nerveux plus tardifs ou cas d’intoxication à doses plus importantes : amaurose, convulsions, postures anormales, déambulation, marche en cercle, mouvements spastiques de la face, pousser au mur, vocalises, bruxisme marqué avec abondance de salive mousseuse, agressivité possible. Morts subites possibles.
  • Signes digestifs :
    • Intoxication aiguë : ptyalisme, diarrhée avec selles sombres et ténesme
    • Intoxication chronique : stase ruminale, météorisation, anorexie, alternance diarrhée et constipation, dysphagie
  • Autres signes cliniques: dépression


Diagnostic différentiel :


Diagnostic expérimental : Mesures des taux de plomb dans le sang et les tissus permet un diagnostic de certitude (sang total, foie ou rein) : intoxication confirmée si > 0.5 mg/L (ou 0.35 ppm) dans le sang ou > 10 ppm dans le foie et la médulla rénale (valeurs plus élevées chez le veau). Une exposition chronique de faible niveau n’entraine pas ou peu d’augmentation du taux sanguin de plomb. Des corps étrangers contenant du plomb peuvent être retrouvés dans l’estomac lors de l’autopsie (huile de moteur, batterie…).  A l’autopsie, des lésions peu spécifiques peuvent être observées : un œdème cérébral avec une congestion péri-vasculaire et une dégénérescence hépatique, rénale et nerveuse (4).


Valeurs du plomb dans les organes : (3)

Type de prélèvementConcentrations normalesConcentrations significatives sur le plan diagnostique
Sang total (plombémie)< 10 μg/100 mL35-100 μg/100 mL
Foie< 0.5 mg/kg de matière humide10 mg/kg de matière humide
Rein< 1 mg/kg de matière humide10 mg/kg de matière humide

Pronostic : Mauvais pour les animaux avec signes nerveux important, moyen pour ceux avec signes nerveux discrets ou signes digestifs seuls.


 Traitement : Prévention principalement (trouver la source de l’intoxication et l’éliminer). Administration IV d’EDTA à 25 mg/kg quotidienne (3) pendant 3 à 5 jours – jusqu’à disparition des signes cliniques (efficacité limitée association plomb/EDTA majoritairement par voie urinaire) associé à un traitement symptomatique. Une administration de thiamine (2-3 mg/kg en SC) (3) permet de protéger le système nerveux central en empêchant l’entrée du plomb au niveau cellulaire.


Résidus : La mesure du taux de plomb dans le lait de tank est nécessaire si les vaches atteintes sont productrices de lait. Ces mesures doivent être répétées sur plusieurs mois suite à un traitement pour une intoxication au plomb, pour s’assurer de la disparition du plomb dans le lait.


Sources :

  1. PEEK SF, DIVERS TJ. REBHUN’S DISEASES OF DAIRY CATTLE, THIRD EDITION. Elsevier; 2018.
  2. Coulon S. Diagnostic différentiel des morts subites chez les bovins au pré : approche réalisée à partir de l’exploitation des bases de données du CNITV et de BNESST. Thèse d’exercice vétérinaire, Lyon; 2006.
  3. Buronfosse T, Gros K. L’intoxication par le plomb chez les ruminants. Bull GTV Hors-sér Neuropathol Rumin 2003. 2003;53‑4.
  4. Berny P, Queffelet S. Guide pratique de toxicologie clinique vétérinaire. Med’com; 2015. 352 p.

Nécrose du cortex cérébral

= Polioencéphalomalacie (PEM), « maladie de l’astronome »


  • Etiologie : Carence en thiamine (vitamine B1) (régime alimentaire riche en céréales et pauvre en fibres, entraînant la multiplication dans le rumen de bactéries synthétisant des thiaminases B1, à l’origine de la carence (1)). Des régimes riches en soufre de façon chronique favorisent la production d’hydrogène sulfuré (H2S), à l’origine d’une acidose ruminale permettant une action facilitée des thiaminases, et donc augmentant la carence en thiamine (2). Une antibiothérapie (à base de monensin® notamment) peut inhiber la synthèse de thiamine et favoriser la production de H2S (2).

Résumé des hypothèses étiologiques d’après (2) :

Résumé des hypothèses étiologiques d’après (2)

Epidémiologie : Maladie répondant à la thiamine, touchant principalement les veaux (2-8 mois) (3) ayant une population ruminale fonctionnelle (pas chez veaux de lait) (4), plus rarement les adultes (touchés en cas d’association avec une acidose ruminale aiguë). Maladie sporadique en élevage laitier, mais pouvant affecter jusqu’à 25% d’un lot de jeunes bovins à l’engraissement (3). Elle survient après un changement brutal de ration ou lorsqu’une ration très riche en céréales est distribuée pendant plusieurs semaines (5).


Pathogénie et importance de la Thiamine : aussi appelée vitamine B1, la thiamine sous forme active (thiamine diphosphate TPP) est une coenzyme produite par les microorganismes du rumen et participant à de nombreuses réactions enzymatiques (notamment la production d’ATP). Une carence en thiamine peut causer des lésions majeures sur les neurones qui en sont dépendants, et causer des lésions dégénératives d’ischémie et de la nécrose au niveau du système nerveux central.


  • Signes cliniques évocateurs :
    • Une amaurose bilatérale avec maintien de la fonction pupillaire (sauf cas sévères où la fonction pupillaire est altérée) peut être présente avec perte bilatéral du réflexe de clignement à la menace, ainsi qu’un pousser-au-mur, une démarche titubante, une marche en cercle, du bruxisme, avec une encolure et la tête étendue vers l’avant et vers le haut (« symptômes de l’astronome » (5)).
    • Boiterie possible avec mise en place progressive d’une incoordination motrice pouvant mener à des chutes (5).
    • Strabisme dorso médial souvent présent chez le jeune, rarement chez l’adulte.
    • Sialorrhée et tremblements possibles.
    • Si l’animal ne parvient plus à se relever (cas sévères), il peut présenter de l’opisthotonos aggravé par des stimuli auditifs et visuels (1) (une hyperexcitabilité (4)), un nystagmus, des crises convulsives avec des épisodes de pédalage, ou un coma.
  • Autres signes cliniques:
    • Un épisode de diarrhée court précède souvent les signes nerveux (1).
    • Un abattement marqué et une anorexie sont présents chez les veaux et les adultes touchés au début de l’évolution, mais peuvent régresser ensuite (3).
    • Évolution apyrétique (6).
    • Une mort subite est possible, notamment chez le jeune (6).

Diagnostic différentiel :


  • Diagnostic expérimental : Observation de la réponse à l’administration de thiamine. Examen du liquide céphalo-rachidien si PEM aiguë : transparent, pas d’augmentation des cellules nucléées, protéines normales à légèrement augmentées. Si chronique : (> 3 jours) protéines augmentées, augmentation légère à modérée des cellules nucléées (surtout macrophages). Aucun test disponible sur le terrain. A l’autopsie, des lésions du cortex sont visibles avec de l’œdème, des zones en dépression, de 1 à 20 mm de diamètre, de coloration jaunâtre au lieu de grise (5). La substance blanche est intacte mais la substance grise sensée la recouvrir peut être absente ou altérée. Ces lésions présentent une « autofluorescence » lorsqu’elles sont exposées à une lumière ultraviolette à 365 nm. Cette autofluorescence n’est cependant pas spécifique et peut parfois ne pas être observable (5).

  • Pronostic : mort en 1 à 5 jours sans traitement (1), selon la sévérité des signes cliniques. Les animaux les plus jeunes meurent plus rapidement et plus fréquemment. Les animaux adultes ont plus de chances de guérison mais des séquelles sont possibles (5).

  • Traitement : Administrations parentérales répétées de Thiamine, 5 à 10 mg/kg pendant 2 à 5 jours (5). L’évolution est souvent visible en quelques heures, l’amaurose étant souvent le dernier signe à disparaître, parfois après plusieurs jours de traitement (l’amaurose est parfois irréversible). En prévention, une ration avec suffisamment de fibres devra être proposée (avec complémentation en thiamine dans les lots à risque). L’utilisation de corticoïdes peut aider.

Sources :

  1. Scott PR, Penny CD, Alastair I M. Cattle medecine. Manson Publishing/The Veterinary Press; 2011.
  2. DAMMERY F. Thiamine, soufre et nécrose du cortex cérébral chez les ruminants. ENVT; 2012.
  3. PEEK SF, DIVERS TJ. REBHUN’S DISEASES OF DAIRY CATTLE, THIRD EDITION. Elsevier; 2018.
  4. Schelcher F, Lacroux C, Corbière F, Foucras G, Meyer G, Andréoletti O. Démarche diagnostique dans les maladies nerveuses des ruminants. Bull GTV Hors-sér Neuropathol Rumin 2003. 2003;9‑17.
  5. Alves de oliveira L. La nécrose du cortex cérébral. Bull GTV Hors-sér Neuropathol Rumin 2003. 2003;
  6. MATHIS J-L. AIDE AU DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL DES TROUBLES A EXPRESSION NERVEUSE EN HYPER CHEZ LES BOVINS. Thèse d’exercice vétérinaire, Lyon; 2008.
  7. Hugron P-Y, Dussaulx G, Barberet R. Mémento de Médecine bovine, 2ème édition. Med’Com. 2005. 320 p.

Encéphalose hépatique

Etiologie : insuffisance hépatique fonctionnelle (due à une stéatose, une dégénérescence hépatique ou un shunt porto-systémique chez le veau). Elle entraine une incapacité à détoxifier les résidus métaboliques azotés par le foie (1). Les signes cliniques neurologiques pourraient être dus à la toxicité cérébrale de l’ammoniac, ou à une consommation très importante de plantes produisant des alcaloïdes pyrrolizidiniques (Crotalaria et Senecio), causant une dégénérescence du foie en cas de consommation répétée (2).


Epidémiologie : Assez rare. Favorisée en début de lactation, lorsque les bovins pâturent sur des prairies jeunes à croissance rapide, en cas de NEC élevée ou de lipolyse (1).


Signes cliniques : Nerveux, « en hyper », avec hyperesthésie et hyperexcitabilité pouvant rendre la contention difficile voire dangereuse (1), modifications du comportement, tremblements, incoordination motrice avec ataxie (3), convulsions par crises possibles. Un ténesme et des prolapsus rectaux sont possibles (3). Une amaurose et un poussé au mur peuvent aussi être observés (1). Coma en fin d’évolution. Les efforts musculaires entrainent une hyperthermie (1).


Diagnostic différentiel :


Diagnostic expérimental : Mesure sanguine des enzymes hépatiques pour évaluer l’existence d’une insuffisance hépatique. L’ammoniémie est augmentée sans bilirubinémie, et les tests de coagulation peuvent être anormaux (2). Lésions de cirrhose du foie non spécifiques. Des biopsies hépatiques peuvent mettre en évidence la toxicité des alcaloïdes pyrrolizidiniques avec une triade : fibrose, mégalocytose et prolifération de canaux biliaires (2).


Pronostic : Souvent mortel.


 Traitement : Sur des veaux présentant un shunt hépatique, une chirurgie est décrite dans de rares cas, mais est complexe, coûteuse et très rarement effectuée.


Prévention : au tarissement, l’apport énergétique doit être surveillé pour ne pas entrainer une surcharge graisseuse, qui serait très sensibles à la lipolyse en post-partum. Eviter la pâture sur les prairies où les plantes sont riches en alcaloïdes pyrrolizidiniques.


Sources :

  1. Arcangioli M-A, Bézille P. Les maladies métaboliques à symptomatologie nerveuse des bovins : hypocalcémie, hypomagnésémie, acétonémie, encéphalose hépatique. Bull GTV Hors-sér Neuropathol Rumin 2003.
  2. Peek SF, Divers TJ. REBHUN’S DISEASES OF DAIRY CATTLE, THIRD EDITION. Elsevier; 2018. 849 p.
  3. Smith BP. Large animal internal medicine, fifth edition. Elsevier. 2015.

Hypomagnésémie

= Tétanie d’herbage, tournis d’herbage


Etiologie : Baisse du taux de magnésium sanguin et dans le LCR.


Notions de biochimie : Absorption ruminale du magnésium, dépendant du gradient de potassium (l’excès de potassium réduit l’absorption, et une carence en sodium augmente l’excès en potassium) (1). De plus, réduction de l’absorption du magnésium si apport important d’azote soluble (induction d’une alcalose) (1).


Épidémiologie : Plus courant chez les vaches laitières hautes productrices dans les deux premiers mois de lactation (lipolyse due au déficit énergétique est un facteur favorisant) (1) et plus rare chez les vaches allaitantes mais possible si apport alimentaire insuffisant (1), aggravée par le stress et le jeûne (1). Se développe lorsque les pâtures sont carencées en magnésium (prairies de graminées) ou trop riches en potassium (si pousse de l’herbe très importante) (1). Une hypocalcémie simultanée peut aggraver les signes cliniques (2).


Signes cliniques :

  • Hyperexcitabilité, tremblements puis convulsions avec spasmes musculaires et pédalage.
  • Des modifications de comportement (démarche ébrieuse, agressivité…) peuvent être présentes (1).
  • Mydriase et nystagmus avec sialorrhée et transpiration abondante.
  • Opisthotonos et convulsions pouvant entrainer la mort en quelques heures dans les cas graves.
  • Les cas moins sévères présentent une raideur lors des déplacements, une hyperesthésie aggravée par des stimuli auditifs ou visuels, et des mictions en fréquence très augmentée (2).
  • Mort subite possible mais rare (3).

Diagnostic différentiel :


Diagnostic expérimental : Aucune lésion organique visible (1). Le traitement est souvent diagnostic en cas d’amélioration rapide. Dosage du magnésium plasmatique au laboratoire (sur sang hépariné) mais seulement suite à un échec thérapeutique (rarement fait en pratique). En cas de mort subite, le magnésium peut être dosé dans le LCR ou l’humeur vitrée de l’œil jusqu’à 24h post-mortem (fiable jusqu’à 72h post-mortem en absence de contamination bactérienne)(1).

 Valeurs pathologiquesValeurs usuelles
Magnésium sanguin< 0,5 mmol/L0.8 – 1.2 mmol/L
Magnésium LCR< 0.4 mmol/L> 0.8 mmol/L
Magnésium humeur vitrée< 0.4 mmol/L> 0.7 mmol/L
Calcium sanguin≤ 80 mg/L110-120 mg/L
Valeurs en cas d’hypomagnésémie, d’après (3)

 Traitement : Contrôle des convulsions via une sédation, injection de sulfate de magnésium à 25% en sous-cutanée (la voie veineuse peut être dangereuse pour le manipulateur en cas de convulsions importantes) (1), pouvant être associée à du calcium. Des IV lentes de magnésium peuvent aussi être administrées (2).


Prévention : Gestion d’élevage. Garder un apport en magnésium suffisant (traitement des pâtures ou complémentation de rations avec un aliment riche ou des sels de magnésium (peuvent aussi être ajoutés à l’eau de boisson) (2). Un apport suffisant en calcium et modéré en potassium sont aussi nécessaires, ainsi que la surveillance de l’apport alimentaire et la gestion des notes d’état corporel au tarissement (1).


Sources :

  1. Arcangioli M-A, Bézille P. Les maladies métaboliques à symptomatologie nerveuse des bovins : hypocalcémie, hypomagnésémie, acétonémie, encéphalose hépatique. Bull GTV Hors-sér Neuropathol Rumin 2003. 2003;
  2. Blowey RW, Weaver AD. Guide pratique de médecine bovine. MED’COM. Elsevier; 2006. 229 p.
  3. MATHIS J-L. AIDE AU DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL DES TROUBLES A EXPRESSION NERVEUSE EN HYPER CHEZ LES BOVINS. Thèse d’exercice vétérinaire, Lyon; 2008.