Définition de « trémorgène » : à l’origine de tremblements.
Etiologie : toxines de l’ergot (Claviceps sp.), les ergotoxines, et toxines des champignons endophytes (Neotyphodium sp.), les lolitrèmes. (tableau des mycotoxines et leurs support fourragers à la fin) (1)
Epidémiologie : Assez rare malgré une contamination courante des champs. Sous-diagnostiquée. Touche plusieurs animaux à la fois. Molécules synthétisées par de nombreux champignons sur les fourrages (frais ou non) et les concentrés. Certaines mycotoxines sont produites sur les plantes au champ (1) notamment en période de sécheresse (2). Tous les ruminants peuvent être touchés. Elles passent peu ou pas du tout dans le lait, le risque est donc minime pour les veaux et jeunes ruminants ayant une alimentation lactée. Les protozoaires du rumen permettent de détoxifier une partie des mycotoxines, diminuant ainsi la sensibilité des adultes. Les plantes porteuses sont moins appétentes mais plus résistantes aux sécheresses, le risque d’intoxination est donc augmenté en période de manque alimentaire.
Durée d’incubation : apparition des signes cliniques 1 à 2 semaines après ingestion de fourrages contaminés (1)
Signes cliniques nerveux :
- Intoxination avec lolitrèmes : tremblements de la tête, puis contractions musculaires de l’encolure et des membres. L’animal titube lorsqu’il se lève, et « hoche » la tête de haut en bas. Sialorrhée possible. S’il se tient debout, des spasmes tétaniformes sont visibles sur les membres, avec une dysmétrie des membres. Ces spasmes cessent en quelques minutes et la démarche redevient normale (1). Une ataxie des membres postérieurs, s’étendant progressivement aux antérieurs puis forçant le décubitus peut aussi être visible, notamment lors d’intoxination avec le lolitrem B.(2)
- Intoxination avec paspalitrèmes (Claviceps paspali): incoordination motrice augmentée suite à un effort, état ébrieux avec réaction augmentée aux stimulations (auditives et visuelles), nervosité marquée.
- Intoxication par l’ergot de seigle : tremblements, convulsions possibles, incoordination motrice. Si l’intoxication est chronique, une gangrène des extrémités se met en place, avec des troubles de la reproduction possibles.
- Si plusieurs mycotoxines sont présentes : des boiteries peuvent être présentes.
- Des cas de mortalités ont été recensés dans le monde mais pas en France. Régression spontanée de l’affection en 1 à 3 semaine après retrait du fourrage contaminé.
Autres signes cliniques: hyperthermie entre 39,2 et 39,5°C, tachypnée, perte de poids et baisse de production. Des selles molles peuvent être observées.
Diagnostic différentiel :
Diagnostic expérimental : Analyse de ration (augmentation du risque avec l’ancienneté de la prairie) : la suspicion est augmentée si consommation de ray-grass « gazon » et de leur paille car quasiment systématiquement porteuses (vérification de la présence de mycélium dans les plantes fraiches). Dosage possible dans un unique laboratoire en France par H.P.L.C (High Performance Liquid Chromatography) de la toxine lolitrème B. Aucune lésion caractéristique à l’autopsie.
Pronostic : Rémission spontanée en quelques semaines après retrait du fourrage le plus souvent. Perte de production importante cependant, séquelles possibles.
Traitement : Aucun traitement médical possible, retrait du fourrage contaminé et labourage avec réensemencement de la prairie.
Prévention : Ne pas utiliser de variétés de ray-grass « gazon » et leurs pailles « porte-graines » dans les fourrages (1). Contrôle de l’absence de mycotoxines lors de l’achat d’aliments. Rester vigilant lors des périodes de sécheresse si consommation d’une prairie ancienne avec des fétuques ou du ray-grass anglais.
Tableau des mycotoxines à expression neurotoxique chez les ruminants, d’après (1) :
Molécules | Moisissures | Supports |
Ergotoxines | Claviceps sp. | Céréales (seigle, triticale) |
Graminées fourragères (fétuques, ray-grass anglais, agrostide, paspalum) | ||
Lolitrèmes | Neotyphodium sp. | Graminées fourragères (ray-grass anglais, fétuques) |
Patuline | Byssochlamys nivea | Ensilages maïs et herbe |
Paecilomyces sp. | Céréales germées (hydroponiques), pulpes de betterave | |
Fumitrémorgines | Aspergillus fumigatus | Ensilages, enrubannage |
Territrème B | Aspergillus terreus | Riz non décortiqué |
Roquefortine C | Penicillium roqueforti | Concentrés (pulpe de betterave surpressée) |
Penitrem A | Penicillium sp. | Céréales |
Slaframine | Rhizoctonia leguminicola | Foin, ensilage de légumineuses (luzerne, trèfle violet) |
Swainsonine | Plantes toxiques (Astragalus sp., Oxytropis sp., Swainsona sp.) | |
Acide tenuazonique | Alternaria sp. | Ensilage de maïs, foin, paille, enrubannage, pulpes de tomates, graines de tournesol |
Acide cyclopiazonique | Aspergillus flavus | Ensilages, concentrés |
Diplodia toxine | Diplodia maydis | Maïs en épi (tardifs) |
Acide 3-nitropropionique | Arthrinium sp. | Canne à sucre et co-produits |
Sources :
- Grancher D, Bony S. Les mycotoxicoses trémorgènes chez les ruminants. Bull GTV Hors-sér Neuropathol Rumin 2003.
- Blowey RW, Weaver AD. Guide pratique de médecine bovine. MED’COM. Elsevier; 2006. 229 p.