= Polioencéphalomalacie (PEM), « maladie de l’astronome »
- Etiologie : Carence en thiamine (vitamine B1) (régime alimentaire riche en céréales et pauvre en fibres, entraînant la multiplication dans le rumen de bactéries synthétisant des thiaminases B1, à l’origine de la carence (1)). Des régimes riches en soufre de façon chronique favorisent la production d’hydrogène sulfuré (H2S), à l’origine d’une acidose ruminale permettant une action facilitée des thiaminases, et donc augmentant la carence en thiamine (2). Une antibiothérapie (à base de monensin® notamment) peut inhiber la synthèse de thiamine et favoriser la production de H2S (2).
Résumé des hypothèses étiologiques d’après (2) :
Epidémiologie : Maladie répondant à la thiamine, touchant principalement les veaux (2-8 mois) (3) ayant une population ruminale fonctionnelle (pas chez veaux de lait) (4), plus rarement les adultes (touchés en cas d’association avec une acidose ruminale aiguë). Maladie sporadique en élevage laitier, mais pouvant affecter jusqu’à 25% d’un lot de jeunes bovins à l’engraissement (3). Elle survient après un changement brutal de ration ou lorsqu’une ration très riche en céréales est distribuée pendant plusieurs semaines (5).
Pathogénie et importance de la Thiamine : aussi appelée vitamine B1, la thiamine sous forme active (thiamine diphosphate TPP) est une coenzyme produite par les microorganismes du rumen et participant à de nombreuses réactions enzymatiques (notamment la production d’ATP). Une carence en thiamine peut causer des lésions majeures sur les neurones qui en sont dépendants, et causer des lésions dégénératives d’ischémie et de la nécrose au niveau du système nerveux central.
- Signes cliniques évocateurs :
- Une amaurose bilatérale avec maintien de la fonction pupillaire (sauf cas sévères où la fonction pupillaire est altérée) peut être présente avec perte bilatéral du réflexe de clignement à la menace, ainsi qu’un pousser-au-mur, une démarche titubante, une marche en cercle, du bruxisme, avec une encolure et la tête étendue vers l’avant et vers le haut (« symptômes de l’astronome » (5)).
- Boiterie possible avec mise en place progressive d’une incoordination motrice pouvant mener à des chutes (5).
- Strabisme dorso médial souvent présent chez le jeune, rarement chez l’adulte.
- Sialorrhée et tremblements possibles.
- Si l’animal ne parvient plus à se relever (cas sévères), il peut présenter de l’opisthotonos aggravé par des stimuli auditifs et visuels (1) (une hyperexcitabilité (4)), un nystagmus, des crises convulsives avec des épisodes de pédalage, ou un coma.
- Autres signes cliniques:
- Un épisode de diarrhée court précède souvent les signes nerveux (1).
- Un abattement marqué et une anorexie sont présents chez les veaux et les adultes touchés au début de l’évolution, mais peuvent régresser ensuite (3).
- Évolution apyrétique (6).
- Une mort subite est possible, notamment chez le jeune (6).
Diagnostic différentiel :
- Intoxications au plomb, au sel ou au soufre
- Méningite et méningoencéphalite (7)
- Encéphalite (Rage)
- Cétose nerveuse (vaches laitières)
- Encéphalose hépatique
- Enterotoxémie à Clostridium type D (veaux)
- Abcès au cerveau (7)
- Listériose (7)
- Diagnostic expérimental : Observation de la réponse à l’administration de thiamine. Examen du liquide céphalo-rachidien si PEM aiguë : transparent, pas d’augmentation des cellules nucléées, protéines normales à légèrement augmentées. Si chronique : (> 3 jours) protéines augmentées, augmentation légère à modérée des cellules nucléées (surtout macrophages). Aucun test disponible sur le terrain. A l’autopsie, des lésions du cortex sont visibles avec de l’œdème, des zones en dépression, de 1 à 20 mm de diamètre, de coloration jaunâtre au lieu de grise (5). La substance blanche est intacte mais la substance grise sensée la recouvrir peut être absente ou altérée. Ces lésions présentent une « autofluorescence » lorsqu’elles sont exposées à une lumière ultraviolette à 365 nm. Cette autofluorescence n’est cependant pas spécifique et peut parfois ne pas être observable (5).
- Pronostic : mort en 1 à 5 jours sans traitement (1), selon la sévérité des signes cliniques. Les animaux les plus jeunes meurent plus rapidement et plus fréquemment. Les animaux adultes ont plus de chances de guérison mais des séquelles sont possibles (5).
- Traitement : Administrations parentérales répétées de Thiamine, 5 à 10 mg/kg pendant 2 à 5 jours (5). L’évolution est souvent visible en quelques heures, l’amaurose étant souvent le dernier signe à disparaître, parfois après plusieurs jours de traitement (l’amaurose est parfois irréversible). En prévention, une ration avec suffisamment de fibres devra être proposée (avec complémentation en thiamine dans les lots à risque). L’utilisation de corticoïdes peut aider.
Sources :
- Scott PR, Penny CD, Alastair I M. Cattle medecine. Manson Publishing/The Veterinary Press; 2011.
- DAMMERY F. Thiamine, soufre et nécrose du cortex cérébral chez les ruminants. ENVT; 2012.
- PEEK SF, DIVERS TJ. REBHUN’S DISEASES OF DAIRY CATTLE, THIRD EDITION. Elsevier; 2018.
- Schelcher F, Lacroux C, Corbière F, Foucras G, Meyer G, Andréoletti O. Démarche diagnostique dans les maladies nerveuses des ruminants. Bull GTV Hors-sér Neuropathol Rumin 2003. 2003;9‑17.
- Alves de oliveira L. La nécrose du cortex cérébral. Bull GTV Hors-sér Neuropathol Rumin 2003. 2003;
- MATHIS J-L. AIDE AU DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL DES TROUBLES A EXPRESSION NERVEUSE EN HYPER CHEZ LES BOVINS. Thèse d’exercice vétérinaire, Lyon; 2008.
- Hugron P-Y, Dussaulx G, Barberet R. Mémento de Médecine bovine, 2ème édition. Med’Com. 2005. 320 p.