Intoxication par le sel

= Privation d’eau ou empoisonnement par le sel


  • Etiologie : Accumulation d’ions sodium dans le système nerveux central suite à une privation en eau de plusieurs jours, perturbant le transport de ces ions et la glycolyse anaérobie. Cette accumulation stimule les récepteurs de la soif, et la soudaine prise de boisson (si eau de nouveau disponible à volonté) entraîne une arrivée massive de liquide vers le SNC, puis un œdème se forme, à l’origine d’une augmentation de la pression intracrânienne et l’apparition de signes cliniques nerveux (1).

  • Epidémiologie : Fréquent chez les veaux, rare chez les adultes (2) Touche souvent plusieurs individus à la fois. Eau de boisson à volonté après plusieurs jours de rationnement en eau. Souvent liée à des défaut de gestion d’élevage (pâture sans point d’eau, eau salée seule source d’abreuvement disponible, si ration avec ajout de protéines contenant un excès de sel, veaux nourris avec des laits en poudre mal préparés ou des électrolytes trop concentrés par voie orale) (1). Observé aussi suite à des catastrophes naturelles ayant privé d’eau les exploitations ou lors de gelées ayant bloqué l’arrivée d’eau des stabulations et lorsque du sel de déneigement a été utilisé pour faire fondre la glace, les vaches buvant la glace fondue mélangée au sel (2). Possible aussi en cas d’ingestion de sels de déneigement (3).

  • Doses toxiques : Si aucune prise de boisson n’est possible, des rations avec une concentration en sels supérieure à 1% peuvent entraîner des signes cliniques (1). Une DL50 de 2200 mg/kg de PV à été définie pour les bovins adultes (3).

  • Signes cliniques : 3 phases : digestive, signes généraux et ensuite, si l’animal est privé d’accès à l’eau ou si la quantité de sel ingérée est importante, les signes nerveux.
    • Digestifs : polydipsie avec vomissements, diarrhée et coliques (3). Une soif marquée et des diarrhées sont possibles notamment chez les veaux, tout comme des fasciculations des muscles de la tête sont décrites (2).
    • Signes généraux : (dus à la déshydratation intracellulaire et l’hypertension, et à un accès libre à l’eau après la privation) : polyurie, hypernatrémie et œdème pulmonaire possible (3).
    • Nerveux : (œdème cérébral) Abattement, ataxie et faiblesse généralisée. Une anorexie et un nystagmus sont décrits chez les bovins adultes (2). Evolution vers un décubitus, des convulsions avec opisthotonos (2), coma (3) et décès (1). Une amaurose est possible (2,3).

  • Diagnostic différentiel : (2)
    • Chez les veaux : Déséquilibre acido-basique associé à une infection néonatale (entérite, méningite, gastro-entérite paralysante)

  • Diagnostic expérimental :
    • Contexte épidémiologique (apports en eaux, rations riches en sel…)
    • Mesure plasmatique (souvent supérieure à 160 mEq/L (2)) et dans le LCR du sodium. Les signes nerveux semblent proportionnels aux augmentation des concentrations en sodium (2).
    • A l’autopsie, un œdème cérébral et une malacie des régions corticales sont observées (1). Une concentration post-mortem > 2000 ppm en sodium dans les tissus de l’encéphale est indicatrice d’un empoisonnement par le sel. Un œdème musculaire, pulmonaire et un hydropéricarde sont possibles (3).

  • Pronostic : réservé.

  • Traitement : Difficile. 3 objectifs : réduire l’œdème et ses conséquences, limiter l’ingestion d’eau pouvant aggraver les signes cliniques et diminuer l’osmolarité du SNC (1). La baisse de la natrémie doit être lente et progressive (2).
    • Veaux nouveaux-nés : NaCl hypertonique en IV + lait donné régulièrement (10% PV) + aucun accès à l’eau. Idéalement, une mesure du sodium plasmatique est réalisée avant le début du traitement, afin que la teneur en Na du soluté soit égale ou supérieure à celle du plasma. Les mesures du sodium plasmatique doivent être répétées 2 à 4 fois par jour et les concentrations et débits des solutés doivent être ajustés selon les résultats. Dans le cas idéal, la concentration plasmatique en sodium doit revenir à la normale en 2 à 4 jours sans que des convulsions n’apparaissent. Ce traitement ne peut être réalisé dans de bonnes conditions que si le veau est hospitalisé. En cas d’apparition de signes neurologiques pendant le traitement (convulsions notamment), utilisation de mannitol pour contrôler l’œdème cérébral et du diazépam pour les convulsions. Des corticoïdes peuvent aider au contrôle de l’œdème également (1). La correction de la déshydratation doit aussi être prise en compte et corrigée mais l’apport de fluide isotonique peut aggraver l’œdème cérébral, le traitement d’animaux sévèrement déshydratés est donc complexe (2).
    • Adultes : Ingestion de toutes petites quantités d’eau à intervalles réguliers. L’usage de diurétique à faible dose (furosémide à 0.5 mg/kg par exemple) doit être raisonné et utilisé seulement si l’état d’hydratation de l’animal le permet et si l’hypernatrémie est due à une intoxication aiguë au sel (2).

  • Prévention : Maintenir un apport constant et ad libitum en eau. Contrôler les teneurs en sels des rations et laisser un accès à l’eau même pour les veaux.

Sources

  1. Francoz D, Couture Y. Manuel de médecine des bovins. Med’com. 2014. 704 p.
  2. Peek SF, Divers TJ. REBHUN’S DISEASES OF DAIRY CATTLE, THIRD EDITION. Elsevier; 2018. 849 p.
  3. Berny P, Queffelet S. Guide pratique de toxicologie clinique vétérinaire. Med’com; 2015. 352 p.

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